Vous faites une réunion TOUS les matins !? et vous restez DEBOUT en plus !? et ça ne dure QUE 15 minutes !? Mais ça sert à quoi !?

C’est généralement le genre de réflexion que j’entends lorsque j’évoque nos points quotidiens avec quelqu’un qui ne connait pas le monde du développement logiciel. Pourtant, avec le recul si je ne devais garder qu’UNE cérémonie, ce serait cette mélée quotidienne, connue également sous les noms de daily meeting, stand-up meeting ou daily stand-up tant elle me semble essentielle à la bonne collaboration de l’équipe et à sa capacité à apporter une réponse synchronisée et réactive aux changements quotidiens.

Dans les lignes qui suivent je vous propose de voir en quoi consiste cette réunion et comment elle s’organise. Dans un deuxième temps nous nous intéresserons aux difficultés que l’on peut rencontrer lorsque l’on implémente ce point au sein d’une équipe. Enfin, nous verrons comment, pour s’assurer de travailler et d’avancer collectivement il est parfois nécessaire d’adapter ce rituel aux problématiques rencontrées par les équipes.

La mêlée quotidienne : des règles faciles, un art difficile

La mêlée quotidienne a lieu, comme son nom l’indique, tous les jours de la semaine à la même heure et dans le même lieu. Ce rituel est limité dans sa durée et ne doit pas dépasser les 15 minutes. L’équipe se réunit debout, pour éviter que le point s’éternise, en cercle et chaque participant s’exprime à tour de rôle en répondant à une série de questions :

  • Qu’est-ce que j’ai fait hier qui a aidé l’équipe atteindre l’objectif du Sprint ?
  • Que ferai-je aujourd’hui pour aider l’équipe à atteindre l’objectif du Sprint ?
  • Est-ce que je vois des obstacles qui m’empêchent ou empêchent l’équipe de respecter l’objectif du Sprint ?

Il s’agit d’un exercice plus complexe qu’il n’en a l’air !

  1. La mêlée doit être préparée par l’équipe Chaque participant a peu de temps pour s’exprimer et doit pouvoir partager l’avancée de son travail de façon claire et concise avec le reste de l’équipe. Cet engagement quotidien renforce le sentiment d’appartenance au collectif et permet de s’assurer que l’on partage les mêmes objectifs.

  2. La mêlée doit garantir une parole libre et transparente au sein de l’équipe Chaque participant doit pouvoir exprimer ses avancées mais aussi ses difficultés ou les blocages rencontrés afin que l’équipe s’organise collectivement pour les surmonter. Les principes de transparence de bienveillance et d’adaptation prennent alors tout leur sens.

  3. La mêlée doit permettre à l’équipe de coordonner ses efforts et de s’adapter En inspectant son travail l’équipe s’organise pour apporter une réponse synchronisée et réactive aux changements quotidiens. Les échanges permettent de créer des binômes pour la journée, d’organiser un point dédié avec les parties prenantes pour préciser un besoin, de mettre à jour le board, de reprioriser certaines tâches…

On le voit, la mêlée quotidienne c’est le lieu privilégié au sein duquel l’équipe applique les principes d’autonomie, d’auto organisation et de responsabilité dont nous avons parlé dans un précédent article. Mais, bien que très souvent solicité par les équipes, cet exercice n’est pas facile et peut parfois susciter de nombreuses frustrations lorsque l’on perd de vue son véritable objectif.

La mêlée au quotidien : attention à la faute !

  • Quentin : du coup ce matin j’ai terminé mon code sur cette nouvelle fonctionnalité, je vous propose de relire ce que j’ai fait. Aujourd’hui, je suis en formation l’aprèm, du coup je vais aller jeter un oeil sur les bugs en attendant. Sinon pas de difficulté particulière de mon coté.
  • Pierre : hier j’ai proposé 2 modifications et personne ne les a encore relues du coup il va falloir que tu attendes un peu pour que quelqu’un jette un oeil sur ton travail ! Et à mon avis tu risques d’attendre longtemps. Du coup je continue de mon coté, à mon avis il me reste un dernier truc à faire avant de vraiment finir.
  • Bo : moi hier j’ai posé des questions sur ma tâche parce que le besoin est pas super clair et il n’y a pas de scénarios d’acceptance, du coup pour implémenter les tests c’est compliqué. En attendant j’ai pris ma journée créativité.
  • Younes : aujourd’hui moi je vais commencer cette nouvelle fonctionnalité. J’ai vu avec le chef de projet hier et c’est super important de commencer parce que c’est vraiment attendu par le client !

Ce dialogue (tiré de faits réels ou presque) illustre bien les problématiques que l’on peut rencontrer lors de la mêlée. En effet, si elles permettent de poser un cadre facile à comprendre, les questions de la mêlée peuvent également conduire les développeurs à faire un simple reporting individuel du travail en cours :

  • MOI, qu’est-ce que j’ai fait hier ?
  • MOI, que ferai-je aujourd’hui ?
  • MOI, est-ce que je vois des obstacles ?

Cet anti-pattern empêche l’équipe de répondre collectivement aux problèmes rencontrés et ne favorise pas la collaboration entre les développeurs. Il est essentiel de ne pas oublier que chaque question posée lors du daily conduit vers un seul et même objectif :

Aider l’équipe de développement à atteindre l’objectif du Sprint

Ici, on a l’impresion que chacun s’exprime à tour de rôle sans prendre en compte ce qui a été dit avant alors qu’il y avait matière pour collaborer / échanger / s’adapter :

  • trop de relecture de code à faire et pourtant l’équipe ne s’organise pas pour terminer le travail avant de commencer autre chose.
  • un besoin pas clair et pourtant on a fait la séance de conception avec les parties prenantes. Est-ce qu’il ne faudrait pas faire un point dédié pour repréciser tout ça ?
  • pas de scénarios d’acceptance et pourtant l’équipe a accepté de développer cette fonctionnalité. Du coup ça ne vaudrait pas le coup de revoir notre organisation lors de la prochaine rétrospective ?

Une autre dérive de ce questionnement c’est qu’il peut conduire à dépasser la limite de temps. En effet, dans une équipe de 5 personnes, si chacun détaille ce qu’il a fait hier, ce qu’il va faire aujourd’hui et les éventuelles difficultés identifiées, il devient parfois difficile de respecter la durée limite de 15 minutes.

La mêlée sans s’emmêler

Passer en mode flux

Pour surmonter cette difficulté, chez Deepki, nous sommes passés en mode flux. Désormais, on remonte les différentes colonnes de notre tableau, de “recette” à “à faire”, et on échange sur chaque tâche pour inspecter le travail en cours. Ce fonctionnement nous permet de :

  • mentionner d’éventuels points de blocage
  • organiser le travail en binomage
  • demander une relecture de code par un pair
  • identifier d’éventuelles tâches qui ne figurent pas sur le board

De cette façon, l’équipe s’organise pour avancer collectivement et les développeurs se concentrent davantage sur l’objectif à atteindre que sur leur travail individuel.

Savoir recadrer

Si le mode flux et l’accent mis sur les tâches plutôt que sur les individus permet de gagner en concision, il est important de savoir recadrer certaines interventions. Pour cela il est important de rappeler que la mêlée n’est ni une réunion technique où l’on échange sur l’implémentation de son code ni un brainstorm pour redéfinir le besoin. Dès que l’équipe ne parle plus de son organisation quotidienne il est important de mettre fin aux échanges en cours quitte à créer un point dédié avec l’ensemble des interlocuteurs concernés. Le respect absolu de la limite de temps permet également, si on la dépasse, de faire naitre des frustrations et donc d’envisager des pistes d’améliorations pour la prochaine fois !

Travailler sur un support visuel

Qu’il soit physique ou virtuel, il est essentiel de présenter le travail en cours depuis un tableau. Ce dernier permet d’être transparent sur l’avancement du travail en cours aussi bien au sein de l’équipe qu’avec les différentes parties prenantes. La question “Est ce que vous travaillez en ce moment sur une tâche qui n’apparait pas sur le tableau ?” permet de s’assurer que l’équipe reste concentrée sur les objectifs définis collectivement. Le tableau est également un support efficace pour aider les membres à parler de leurs travail et l’action de déplacer sa tâche sur le tableau et de la passer de “En cours” à “Terminé” constitue toujours une petite victoire !

Conclusion

Au delà de la forme que l’on retient souvent, une réunion debout tous les matins, la mêlée quotidienne est un indicateur quotidien de la santé de l’équipe et de sa capacité à s’organiser et s’adapter. Est-ce que tout le monde a conscience des problèmes que l’on essaie de résoudre ? Est-ce que tout le monde est motivé ? Est-ce qu’on est tous d’accord sur les objectifs à atteindre collectivement ? Sur les moyens d’y arriver ? Est-ce que tout le monde est prêt à collaborer ? C’est en répondant à ces questions tous les matins que l’équipe grandit, s’organise et que la mêlée prend tout son sens en permettant de partager des objectifs communs, de coordonner nos efforts, de partager les problèmes et les pistes de résolution et enfin de renforcer le sentiment d’appartenance à une équipe.