À travers mes précédents articles, j’ai souvent abordé des sujets qui interrogeaient notre fonctionnement en tant qu’équipe : comment fluidifier notre flux de production à travers le kanban ? Comment la rétrospective peut nous aider à engager une démarche d’amélioration continue ? Chacun à leur façon, ces outils facilitent la diffusion d’une culture d’amélioration continue au sein d’un collectif. Mais, pour un manager, l’équipe est tout aussi importante en tant que groupe, que ses membres en tant qu’individus.

À l’ère du numérique et dans cette période où une partie des salariés travaille à distance, la communication directe avec ses collaborateurs se fait très facilement via email, Slack, Whatsapp… Si elles sont indispensables, ces interactions ne remplacent aucunement l’entretien dit “en one to one” pour bénéficier d’un feedback continu et efficace, développer une relation fondée sur la confiance et s’assurer de donner du sens au travail collectif. Dans cet article je vous propose de voir en quoi ce “face à face” avec ses collaborateurs peut être un outil managérial extrêmement puissant.

Un temps dédié au collaborateur

Accompagner chacun et révéler son potentiel

Le one to one est un moment privilégié entre un manager et un collaborateur. Cette respiration nécessaire et régulière dans le flux de production est à la fois un lieu d’échanges, de coaching, de tutorat, et de prise de recul qui permet de construire une relation de confiance. Avoir une discussion franche et sincère sur ce qu’il se passe professionnellement et personnellement c’est l’occasion d’apprendre à se connaître pas seulement en tant que salarié mais aussi en tant qu’individu.

Faire des one to one c’est aussi croire que chacun peut s’améliorer en lui apportant les moyens de grandir au sein du collectif. En tant que manager, on passe beaucoup de temps à essayer de trouver les futurs collaborateurs qui viendront renforcer nos équipes actuelles. Lors des entretiens d’embauche, il y a un sujet que nous aimons défendre chez Deepki, c’est la façon dont nous prenons en compte les individus pour les accompagner et déterminer ensemble comment ils peuvent avoir un impact significatif sur notre développement. C’est pour cela que nous nous posons souvent la question : est ce que nos collaborateurs sont satisfaits et comment faire pour qu’ils contribuent au mieux à notre organisation ?

Les entretiens individuels sont un espace dédié, planifié et anticipé entre un manager et un collaborateur pour répondre à toutes ses questions. En effet, à travers ces échanges, l’objectif du manager c’est d’aider chaque collaborateur à grandir, à progresser à nos côtés et de réfléchir ensemble à comment est ce que chacun peut participer au développement de l’entreprise.

S’affirmer comme manager

Ces “one to one” sont aussi une façon de s’affirmer en tant que manager au sein de l’organisation et auprès des équipes. Dans des agendas toujours plus remplis, consacrer du temps aux collaborateurs c’est aussi leur signifier leur valeur et leur importance au sein de l’entreprise. Oui, ces moments sont prioritaires. Non, ils ne peuvent pas être décalés pour laisser la place à une autre réunion. Oui, ils nécessitent un temps de préparation important pour que les échanges soient productifs et utiles aussi bien au manager qu’au collaborateur. Bref ! cet échange fait partie intégrante du rôle de manager, le défendre c’est défendre son rôle au sein de son organisation.

Dire les choses difficiles

La fin d’année chez Deepki rime avec EAI (entretiens annuels individuels). Ces derniers sont l’occasion d’échanger avec chaque collaborateur pour faire le bilan de l’année et dessiner des pistes d’amélioration pour l’année à venir. En tant que manager, j’ai parfois vécu des moments difficiles où le collaborateur découvrait tardivement ce qui n’allait pas et vivait les retours comme une sanction. Avec du recul, je me suis rendu compte que j’étais à l’origine de ces incompréhensions. Le fait de ne pas aborder les points de désaccords avec le collaborateur, d’éviter consciemment ou inconsciemment les choses qui ne vont pas ou qui ne sont pas satisfaisantes conduisent inévitablement à ce genre de situation.

En ritualisant ces échanges il est beaucoup plus facile, en tant que manager, d’aborder les sujets “difficiles” et de se mettre d’accord sur le problème pour pouvoir alimenter la réflexion et la contradiction. Ces échanges permettent de construire une relation de confiance fondée sur la transparence et facilitent les feedbacks directs et réguliers.

Un point préparé et organisé

Il n’existe pas de recette miracle pour réussir ses one to one, cependant, avec l’expérience, on apprend comment tirer le maximum de ces moments. Voici quelques pistes que j’ai pu explorer ces dernières années en m’appuyant sur les écrits de Michael Lopp en particulier son article The Update, The Vent, and The Disaster :

Un one to one se prépare. Parce que ma mémoire n’est pas infaillible, j’ai pris l’habitude de prendre des notes pour chaque collaborateur. J’organise ces notes sous forme de “logs” dans lesquels j’inscris les faits marquants, les accomplissements ou les difficultés observées. Il m’arrive également d’échanger avec les parties prenantes pour récolter de l’information, mieux comprendre ce qu’il s’est passé et pouvoir aborder le sujet avec le collaborateur en étant le plus factuel possible. Je me replonge dans ces notes avant chaque one to one ce qui me permet, lorsque j’aborde un point, de donner du contexte et de toujours m’appuyer sur des cas concrets.

Un one to one est un rituel qui doit faire partie intégrante de mon agenda et de celui de chaque collaborateur. Toutes les semaines, tous les 15 jours ou tous les mois il est nécessaire de faire de cet échange un rendez-vous régulier qui fait comprendre aux collaborateurs que vous êtes là pour lui et que c’est son moment. C’est trop facile de déprioriser cette rencontre et de laisser entendre au collaborateur qu’il passe au second plan, qu’il compte moins que le reste. Inscrivez chaque one to one dans votre agenda et faites en sorte d’expliquer aux parties prenantes pourquoi c’est une priorité. Pour le collaborateur, intégrer ce rituel dans son agenda lui permet de s’organiser et de ne pas vivre ce moment comme une interruption de plus dans son travail quotidien.

Au début de ma carrière, j’arrivais en one to one sans préparation particulière afin de laisser la place à l’improvisation et à l’échange. Avec le temps et face à des collaborateurs parfois peu loquaces j’ai pris pour habitude d’organiser davantage cet échange de la façon suivante :

  1. Je commence toujours par demander au collaborateur comment il va. Comment s’est passé sa semaine ?

  2. Ensuite, je lui laisse la parole pour qu’il puisse me faire remonter des questions, des sujets qu’il souhaite aborder. Il ne faut pas hésiter à préciser que l’on ne parle pas organisation, bugs, issue… Il ne s’agit pas de faire un rapport du travail en cours.

  3. Parce que j’ai préparé cet échange à l’aide de mes notes prises au jour le jour j’ai toujours des points à aborder : j'ai remarqué que tu étais sur beaucoup de tâche en même temps ces derniers jours, comment tu arrives à gérer ça ?

  4. Ensuite, je fais un tour sur les objectifs co-construits lors des EAI et on aborde les différents points ensemble : on s'était mis d'accord pour que tu prennes en charge une fonctionnalité à développer et que tu pratiques le BDD, où est ce que ça en est ? En fonction de la réponse, on ajuste, on identifie des actions à mener et on met à jour l’objectif.

  5. Parfois je demande également du feedback sur quelque chose que j’ai fait, une réunion que j’ai menée ou un problème que j’ai rencontré. L’objectif n’est pas de résoudre mon problème mais d’apprendre quelque chose ensemble en capitalisant sur nos expériences respectives.

Évidemment, je prends des notes lors de ces échanges. En conservant des traces sous formes de mots clés, de ressentis, d’humeurs j’ai de la matière pour imaginer des pistes d’action, tirer la sonnette d’alarme quand il le faut et surtout préparer sereinement les EAI de fin d’année.

Conclusion

On le voit, le one to one est un puissant outil de management qui me permet d’accompagner chaque collaborateur dans son évolution au sein de Deepki, d’éliminer les tensions inutiles, d’améliorer le flux de travail, de stimuler l’énergie de l’équipe et de faire en sorte que chacun se sente valorisé. En tant que manager, il permet de mieux comprendre comment chaque individu s’inscrit (ou pas) dans le collectif. Cette vision d’ensemble, cette meilleure compréhension du fonctionnement de l’équipe et des liens existants entre chacun de ses membres permet d’agir plus efficacement et, à la façon d’un chef d’orchestre, de mettre en musique le collectif.

Pour approfondir ce sujet je vous invite également à découvrir les articles de Michael Lopp dans lesquels il s’appuie sur ses expériences au sein d’Apple, Pinterest, Netscape ou encore Slack pour aborder les différentes facettes du rôle de manager.