Dans un précédent article je mentionnais les valeurs défendues au sein de Deepki qui permettent de voir fonctionner l’intelligence collective à travers un logiciel au service de la transition énergétique : autonomie, auto-organisation et responsabilité. J’aimerais revenir aujourd’hui sur l’une de ces valeurs, l’auto-organisation, en nous attardant sur une cérémonie qui permet à l’équipe de construire son propre processus de développement : la rétrospective.

L’équipe est auto-organisée car l’autonomie et la synergie entre ses différents membres lui permettent de choisir son mode d’organisation, son processus de fabrication pour atteindre un objectif commun.

La rétrospective est donc le moment privilégié au cours duquel l’équipe prend le temps de réfléchir à son mode d’organisation. A partir de ce qu’elle a vécu au cours des derniers jours, de ce qu’elle a appris, de l’expérience acquise chaque membre donne son point de vue sur ce qui s’est bien passé, ce qui marche moins bien et, collectivement, modifie son processus de travail.

Si les sources d’inspirations sont pléthores, la réussite d’une rétrospective ne se mesure pas à son format mais bien à la capacité de l’équipe à s’engager dans une démarche d’amélioration continue à travers des actions concrètes et mesurables. C’est pourquoi, je vous propose de nous attarder d’abord sur les objectifs de cette cérémonie avant de rappeler son format et de se concentrer sur la création d’actions, outil privilégié de l’amélioration continue.

  1. Pourquoi ? Les objectifs de cette cérémonie
  2. Comment ? le cadre institutionnalisé…
  3. …et la nécessité de savoir en sortir

Une pratique d’amélioration continue

Rétrospective : Du latin, retro, en arrière, et specto, spectare : regarder longtemps ou souvent.

A la fin de chaque étape, la rétrospective est le moment privilégié au cours duquel l’équipe prend le temps de “regarder en arrière” pour mieux préparer le futur. En capitalisant sur les pratiques qui ont fonctionné et celles qui ont moins bien fonctionné, l’équipe identifie les changements et les améliorations nécessaires pour éviter de refaire les mêmes erreurs. Ce processus d’amélioration continue doit avoir lieu régulièrement pour permettre d’améliorer à la fois la qualité du produit et le travail en tant qu’équipe.

Dans leur ouvrage Agile Retrospectives – Making Good Teams Great, Esther Derby et Diana Larsen identifient les bénéfices attendus :

  • une meilleure productivité : l’implémentation de tests unitaires a permis à l’équipe de se concentrer sur les améliorations du produit.
  • un meilleur partage des compétences : l’équipe a mis en place des katas pour que l’ensemble de ses membres monte en compétence sur le Domain Driven Development (DDD).
  • une plus grande qualité : en travaillant sa Definition Of Done (DOD), l’équipe s’est assurée que ce qui partait en production répondait à ses critères d’exigence.
  • une maximisation de la valeur : en repensant la façon de découper ses User Stories, l’équipe s’est assurée d’apporter plus de valeur et plus rapidement à ses clients

En menant une réflexion sur son organisation l’équipe va façonner ses valeurs fondamentales et sa propre culture de développement. Celles-ci vont évoluer dans le temps en fonction du produit, des problématiques rencontrées et du contexte métier d’où l’importance d’organiser cet évènement régulièrement. Mais comment faire pour que l’équipe se saisisse facilement de ce nouvel outil et s’engage dans cette démarche d’amélioration continue ?

5 étapes pour s’améliorer collectivement

Le format le plus simple d’une rétrospective pourrait se résumer en 2 étapes :

  • Introspection : qu’est ce qui s’est passé ? Qu’est ce qu’on a rencontré comme problème ?
  • Adaptation : au vu de ce que nous avons appris qu’est ce que l’on change dans notre organisation ?

Ce format a été approfondi par Esther Derby et Diana Larsen qui détaillent 5 étapes différentes qui permettent aux équipes de mener à bien leur rétrospective : Ouverture / Introspection / Générer des idées / Décider des actions / Clôture.

1. Ouverture

Cette étape sert d’introduction à la rétrospective et permet de rappeler ses objectifs tout en s’assurant que tous les participants partagent le même état d’esprit. Plusieurs formats sont envisageables qui permettent, en fonction du contexte, de détendre l’atmosphère, de réveiller les cerveaux et de commencer la rétrospective :

  • Un mot : chaque participant résume l’itération précédente en un seul mot qu’il inscrit sur un post-it et affiche sur le tableau.
  • Dessine moi l’itération : une variante de la précédente qui consiste à dessiner l’itération sur un post it.
  • Une météo d’équipe : chaque membre choisit la météo qui correspond à son ressentit sur l’itération passée : grands soleil / éclaircies / nuageux / orage

2. Introspection : récolter les points de vue

On récolte de façon objective les différents points de vue sur ce qui s’est passé au cours de l’itération. Chaque membre de l’équipe explicite ce qui s’est bien passé, mal passé sans rentrer dans le pourquoi. Là encore plein de formats différents existent :

  • keep/drop/start (et sa variante mad / sad / glad)
  • speed boat : idéal faire réfléchir l’équipe sur ses valeurs
  • 6 chapeaux : format très intéressant pour faire une rétro sur un projet

3. Générer les idées

L’équipe vote sur les sujets qui lui semblent prioritaires avant de chercher à comprendre “Pourquoi cela est arrivé” ? L’idée est d’aller au fond des choses, de remonter aux causes fondamentales du problème pour pouvoir proposer une solution plus facilement. Pour y parvenir on peut se poser 5 fois d’affilée la question « pourquoi » à propos d’un problème identifié. En y répondant, on arrive en général à identifier la cause réelle du problème, qui est bien souvent masquée par d’autres problèmes.

4. Décider des actions

C’est le coeur de la rétrospective, ce pourquoi l’équipe se réunit et s’engage ! Une bonne action doit être SMART :

  • S – Specific (spécifique)
  • M – Measurable (mesurable)
  • A – Achievable (réalisable)
  • R – Relevant (pertinente)
  • T – Time-boxed (à durée limitée)

Si l’équipe n’arrive pas à s’engager au sein d’actions, la rétrospective ne sert à rien (mais nous y reviendrons) !

5. Clore la rétrospective

Quoi de mieux qu’un ROTI (Return On Time Invested) pour terminer une rétrospective ? Le ROTI est en soi un formidable outil d’amélioration continue qui permet à chaque participant d’évaluer le retour sur le temps investi en votant de 1 à 5 (pour un ROTI de 2 ou 1, demander les raisons et comment faire mieux la prochaine fois) :

  • 5 : Ça valait bien plus que le temps qu’on y a passé
  • 4 : J’ai gagné plus que le temps que j’y ai passé
  • 3 : Je n’ai pas perdu mon temps
  • 2 : Utile mais ça ne valait pas totalement le temps que j’y ai passé
  • 1 : Inutile. Je n’ai rien gagné, rien appris.

On le voit ce cadre formalisé et détaillé, s’il permet de mener une rétrospective à bien, peut également faire perdre l’objectif principal de la rétrospective.

Savoir sortir du cadre pour se recentrer sur l’essentiel

Ces différentes étapes si elle donnent un cadre pour animer sa rétrospective peuvent parfois se révéler assez contraignantes. J’ai moi même parfois perdu l’objectif principal de ma rétro en me concentrant davantage sur le format, l’animation des différents ateliers et leur rythme, plutôt que sur les actions d’amélioration continue. C’est pourquoi, il me semble qu’il est parfois nécessaires de sortir de ce cadre (ou de savoir l’adapter) pour rester concentré sur l’essentiel : aider l’équipe à s’engager dans une démarche d’amélioration continue à travers des actions concrètes !

Une préparation à ne pas négliger !

La rétrospective demande un temps de préparation non négligeable. En effet, il est important de changer de format régulièrement pour ne pas “lasser” les équipes, de s’assurer de leur complémentarité et surtout d’être capable d’adapter la rétrospective aux problématiques de l’équipe.

Si l’energyzer prend tout son sens pour des équipes jeunes qui découvrent encore cet outil, il devient parfois superflu lorsque l’équipe partage déjà le même état d’esprit. Il est alors plus efficace de simplement rappeler la directive première qui doit guider les réflexions à venir :

Indépendamment de ce que nous découvrons, nous comprenons et nous croyons sincèrement que chacun a fait du mieux qu’il pouvait, compte tenu de ce qu’il savait à l’époque, de ses compétences et de ses prérogatives, des ressources disponibles et de la situation du moment.

Un autre exemple : au cours d’un de nos projets, la relation entre les parties prenantes et l’équipe de développement s’est fortement tendu donnant naissance à de nombreuses frustrations. Le format des 6 chapeaux utilisé en rétrospective a permis de cadrer les échanges en commençant par faire ressortir ce qui n’allait pas (les émotions, les sentiments) avant de rassembler tous les participants autour de la recherche de pistes d’améliorations.

La nécessaire rétrospective des actions

Cette étape de bilan des actions sur lesquelles l’équipe s’est engagée précédemment est indispensable avant d’ouvrir la rétrospective ! On regarde combien d’actions ont été définies et combien ont été menées à bien ? Si aucune action n’a été réalisée, la rétrospective doit être annulée en mettant l’équipe face à ses responsabilités. La conduite des actions est un indicateur de santé de l’équipe et sa capacité à s’engager dans une démarche d’amélioration continue.

La mise en place d’un kanban de rétro est un outil intéressant pour suivre les actions en cours. Une colonne TO DO avec une limite haute à 3 pour limiter le nombre d’actions (Il vaut mieux peu d’actions et toutes les implémenter) et une colonne DONE pour faire la rétro de la rétro.

Au coeur de l’action

Comment s’assurer qu’une action de rétro soit SMART ? Le plus grand danger lorsque l’équipe formalise ses actions c’est de tomber dans le “Y’a qu’à… faut qu’on…” sans véritablement s’engager. Pour éviter cela on peut utiliser le template suivant que l’on affiche dès le départ de la rétrospective afin que tous les participants ne perdent pas vu l’objectif final de cette rétro :

  • Afin de
  • Moi <nom du/des responsable/s>
  • Je m’engage à
  • Avant le
  • Je mesurerais l’efficacité de mon engagement lorsque

Ces actions sont autant de tickets à créer dans votre outil de gestion des tâches pour pouvoir les intégrer dans le backlog, leur donner de la visibilité (au sein de l’équipe mais aussi auprès des parties prenantes) et suivre leur avancée lors du daily stand-up par exemple.

Les bénéfices de l’asynchrone

Certaines étapes de la rétrospective gagnent à être faites en asynchrone. C’est le cas de la récolte des points de vue qui, menée en asynchrone, permet à chaque membre de l’équipe de se poser et de prendre le temps pour réfléchir à ce qui s’est passé. Cela permet à l’organisateur de la rétrospective de se saisir des sujets en avance (à l’aide d’un Trello par exemple), de les organiser pour pouvoir les présenter à l’équipe. Une bonne pratique pour aider à se souvenir c’est aussi d’afficher les métriques des jours passées de façon à ce qu’elles soient visibles par tous les membres de l’équipe.

Conclusion

Plus que des outils ou des formats, la rétrospective est un formidable levier pour s’améliorer ! Elle permet à l’intelligence collective de se mettre en place, à l’équipe d’apprendre ensemble et de partager des valeurs communes. Premier pas facile pour introduire l’agilité dans vos équipes la rétrospective constitue un véritable catalyseur du changement pour l’ensemble de votre organisation : amélioration continue, implication des collaborateurs, auto organisation et responsabilité : l’essayer c’est l’adopter !